Éditions GOPE, 396 pages, 13x19 cm, 24 €, ISBN 978-29535538-3-3

vendredi 9 janvier 2015

R&R, du Repos et de la Récréation à Hong Kong

À la poursuite de Suzie Wong est un roman protéiforme qui est ponctué de flash-back, résurgences de souvenirs du protagoniste liés à la guerre du Vietnam. Marco Podesta (ainsi que l’auteur) fait partie de cette génération qui a vécu cette guerre et, comme de nombreux Américains sous les drapeaux à cette époque, il est venu pour la première fois à Hong Kong lors d’une permission dite « R&R ». 

Toutefois, Marco Podesta n’est pas Rambo, non, c’est un pacifiste, mais pas de ceux qui militent tranquillement bien en sécurité au pays : il avait préféré un autre type d’engagement, beaucoup plus dangereux aussi bien physiquement que moralement...


Évacuation sanitaire, guerre du Vietnam.

 « En me brossant les dents, je me fis une grimace dans le miroir, en guise d’autodérision, déformant mon visage pour lui donner un air loufoque comme j’en ai l’habitude depuis mon enfance à chaque fois que je commence à me prendre trop au sérieux ou quand je suis inquiet… Il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, si ce n’est que je m’étais empressé de raconter à quelqu’un, Ed en l’occurrence, ce qui venait juste de m’arriver parce que ça avait quelque chose d’irréel, quelque chose qu’une personne qui se tient au bord du gouffre de la démence pourrait voir dans ses derniers moments de lucidité. Ma première visite à Hong Kong en était certainement responsable.
Du Repos et de la Récréation, disait l’hurluberlu dans le miroir, quelle putain de connerie !

© Tom Byrne, 1969.

J’ai apporté la cartouche avec moi, celle de M16 sur laquelle un joaillier chinois de Cholon avait gravé mon nom et mon matricule, en 1969. Qu’est-ce que je pouvais bien avoir dans la tête à cette époque ? Comme si le fait de trimballer une cartouche avec mon nom écrit dessus allait me rendre invulnérable aux balles ! C’était le genre de comportement superstitieux que la guerre et la peur de mourir vous poussaient à adopter. De toute façon, il est peu probable qu’une balle de M16 me fasse passer de vie à trépas maintenant.
Toutefois, je savais qu’il y avait une autre raison pour laquelle je tenais à la garder avec moi. C’était un aide-mémoire, un memento mori, mais pas de ma mort. Manifestement, je suis vivant et en train de me faire des grimaces dans le miroir, pas comme ce pauvre type, pas comme Quigley. Mon visage a été la dernière chose qu’il a vue dans cet enfer au Cambodge. Quelquefois, je me dis que son visage sera le dernier que je verrai.
Je m’assis sur le rebord de la fenêtre, portant mon regard en direction des milliers de lumières provenant des appartements exigus de Hong Kong, alors que mon esprit revenait encore une fois à ce jour. »

Extrait du chapitre 4. James A. Clapp.

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